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VIdéoH / HIVideo
(Autres) réponses culturelles : le VHI/sida et la vidéo à Montréal (1984-1990)

Lundi 1er août 2022 à 18h
à la salle Fernand Séguin de la cinémathèque québécoise.



Vidéographe a invité Vincent Bonin, Conal McStravick et Maria Nengeh Mensah à discuter de pratiques vidéo montréalaises liées à la crise du VIH/sida s’échelonnant de 1984 à 1990, et est ravi d’annoncer que l’IAS – l’International AIDS Society – a accepté VIdéoH / HIVideo en tant qu’événement indépendant affilié à AIDS 2022, la 24e Conférence internationale sur le sida, qui aura lieu à Montréal, au Canada, du 29 juillet au 2 août 2022.

Cet événement fera écho à la 5e conférence internationale sur le VIH/sida, tenue à Montréal en 1989, notoire pour l’important changement de paradigme qui y fut opéré. Cette rencontre de spécialistes, issus principalement du champ médical a été prise d’assaut sous l’initiative des membres d’ACT UP (New York et Montréal), de AIDS ACTION NOW (Toronto) et de Réaction sida (Montréal). La convergence des luttes de personnes vivant avec le sida et de leurs alliés a ainsi mis en exergue l’indifférence des gouvernements à l’égard de la crise. Cette mobilisation autour de la conférence a enfin mené à la rédaction d’un manifeste invoquant les droits de la personne lors des protocoles de recherche de nouveaux médicaments. De plus, un volet culturel, où la vidéo occupait une place importante, s’est greffé à cette rencontre de spécialistes issus princi-palement du champ médical.

 

Vidéographe et d’autres organismes de production et de diffusion de la vidéo au Canada, aux États-Unis et en Europe ont préservé des bandes vidéo réalisées par des personnes vivant avec le VIH/sida depuis les années 1980. Aujourd’hui, ces archives témoignent d’une résistance mondiale. Dans le but de mettre en valeur la mémoire locale de ce vaste réseau international, Bonin et McStravick se pencheront sur deux œuvres présentées à Montréal entre le milieu des années 1980 et le début des années 1990. Manifestation précoce d’activisme vidéo autour du VIH/sida, l’installation Journal of the Plague Year (after Daniel Defoe) (1984) de l’artiste britannique Stuart Marshall a été exposée pour la première fois à la galerie Optica, à Montréal, en 1984 alors que Le récit d’A (1990) d’Esther Valiquette, une monobande co-produite par Vidéographe, s’inscrit comme œuvre inaugurale sur le VIH/sida au Québec francophone, et l’une des premières vidéos réalisées par une femme séropositive.

Les vidéos, chacune d’une durée de 20 minutes, seront projetées avant les communications, également de 20 minutes. Une discussion entre Bonin, McStravick et le public sera modérée par la chercheuse Maria Nengeh Mensah.

L’événement durera approximativement deux heures.

 

Programme des présentations

 

Conal McStravick répond à The Journal of the Plague Year (after Daniel Defoe) de Stuart Marshall, 1984, 20 min.

L’installation The Journal of the Plague Year (after Daniel Defoe) (1984) a été commandée pour Vidéo 84 : rencontres internationales de Montréal, et montrée à la galerie Optica, à Montréal, en 1984. L’œuvre se situe au milieu d’un cycle de Marshall incluant Kaposi’s Sarcoma (A Plague and its Symptoms) (1983), désormais perdue, et Bright Eyes (1984), qui est considérée comme un jalon de la vidéographie sur le VIH/sida. À partir d’un point d’origine de Journal of the Plague Year au Québec, Conal McStravick réévaluera cette contribution, moins commentée, de Marshall au mouvement de l’activisme contre la stigmatisation des personnes vivant avec le sida. En 1984, au Royaume-Unis, les journaux « jaunes » véhiculaient de l’information erronée sur le VIH/sida et alimentaient l’homophobie. Avec son installation, Marshall proposait un contre-discours en interpellant directement le spectateur. McStravick discutera, entre autres, du fruit de recherches récentes qu’il a menées dans les fonds des Archives gaies du Québec, ArQuives, de Vtape et de Vidéographe. Enfin, il situera ce militantisme novateur de Marshall et le travail de documentariste pour la télévision de l’artiste du milieu des années 1990 dans une histoire globale de la crise du VIH/sida, au cœur d’un vaste réseau LGBTQ+ comprenant plusieurs points nodaux canadiens. McStravick abordera également le phénomène de la réapparition ponctuelle de The Journal of the Plague Year (after Daniel Defoe) depuis 1984, et la manière dont l’installation reste ainsi contemporaine, en parlant du présent, du passé et du futur, à travers des mises en récit transatlantiques de l’activisme sur le VIH/sida.

 

Vincent Bonin répond à Le récit d’A d’Esther Valiquette, 1990, 19 min, 30 s.

Personne vivant avec le VIH/sida, Esther Valiquette a amorcé le projet de Le récit d’A (monobande coproduite par Vidéographe) en souhaitant d’abord rencontrer des interlocuteurs qui partageraient avec elle leur expérience de survie au-delà des pronostics offerts par les médecins. Au cours d’un séjour à San Francisco, elle a recueilli de nombreux témoignages. Or, elle n’a retenu au montage de la bande que la voix d’un homme gai, Andrew Small. Sans se définir comme une activiste, Valiquette a trouvé alors une forme juste d’alliage de son discours avec celui d’un autre afin de briser un silence, et c’est de cette manière que ce premier essai se situe dans la foulée des retombées de la prise de parole sans précédent de la conférence de 1989. Après Le récit d’A, Valiquette réalise Le singe bleu en 1992 et Extenderis en 1993, avant sa disparition en 1994. À partir d’une recension de la séquence de la diffusion de Le récit d’A depuis 1990, Vincent Bonin commentera les contextes discursifs où la monobande s’est inscrite quand l’artiste était vivante et, ensuite, de façon posthume (circuit des festivals, événements muséaux en art contemporain, cadre universitaire). Le récit d’A constitue l’une des premières œuvres réalisées par une femme traitant du VIH/sida au sein du champ de l’art canadien francophone, tandis que l’épidémie fut au centre de la pratique de plusieurs artistes anglophones auto-identifiés comme hommes gais dès les années 1980. Pour déplacer un tant soit peu ce récit d’origine, Bonin abordera également les phénomènes de traduction et de réception différée mis en branle par les procédés de Valiquette dans la vidéo elle-même.

 

 

Biographies

Vincent Bonin est un auteur et commissaire. Il vit et travaille à Montréal.

Avec la commissaire Catherine J. Morris, il a organisé une exposition sur la critique américaine Lucy R. Lippard inititulée Materializing ‘Six Years’ : Lucy R. Lippard and the Emergence of Conceptual Art, présentée au Elizabeth Sackler Center for Feminist Art du Brooklyn Museum en 2012-2013, dont le catalogue a été publié par MIT Press. En 2013-2014, il a conçu l’exposition en deux volets D’un discours qui ne serait pas du semblant/Actors, Networks, Theories, à la galerie Leonard et Bina Ellen, ainsi qu’au centre d’artistes Dazibao, à Montréal, consacrée à la réception de la « French Theory » dans les milieux de l’art anglophones. La publication afférente à cette exposition est parue en 2018. En 2016, il a conçu une exposition autour de l’œuvre de la philosophe française Catherine Malabou intitulée Réponse, et présentée au Musée d’art contemporain des Laurentides, à Saint-Jérôme.

Ses essais ont été publiés, entre autres, par Canadian Art (Toronto), Fillip (Vancouver), le Centre André Chastel (Paris) le Musée d’art contemporain de Montréal, la Vancouver Art Gallery et Sternberg Press (Berlin).

 

Artiste queer, non binaire, Conal McStravick, est chercheur indépendant et écrivain basé à Londres, au Royaume-Uni. Depuis 2012, McStravick s’est penché sur les archives de l’artiste, cinéaste et militant du sida britannique Stuart Marshall (1949-1993).

McStravick a contribué à des projections rétrospectives, des présentations publiques et des ateliers collaboratifs sur Stuart Marshall à Hospitalfield, Arbroath et AMIF2015, Glasgow, en 2015 ; Birkbeck Essay Film Festival et HIV /AIDS Community Lecture Series en 2016; Communal Knowledge, Showroom, Londres, ainsi que des événements publics à ICA, Londres, MAC, Belfast, The Northern Charter, Newcastle et des présentations à BFI Flare, Newcastle University et Chelsea College of Art en 2017-19.

En 2020, McStravick a contribué à l’exposition en ligne et à la série d’interviews Picturing a Pandemic via LUX et Vtape, et en 2020-22, Pride Inside et Queer Care Camp dans le cadre de Desperate Living au Studio Voltaire, Londres. En 2021, iel a réalisé une présentation sur Stuart Marshall pour Vtape et Archive/Counterarchive, et entreprend, en 2022, un doctorat sur Marshall à l’Université de Northumbria, au Royaume-Uni. Iel écrit sur les archives féministes et LGBTQ+ ainsi que sur les pratiques artistiques contemporaines pour Art Monthly, MIRAJ et LUXonline.

 

Maria Nengeh Mensah (PhD Communication) est professeure titulaire à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), et y enseigne les études féministes. Elle dirige l’équipe de recherche-action Cultures du témoignage depuis 2010. Chercheure engagée, elle mène des projets avec les milieux associatifs, académiques et artistiques, autour des défis liés à la stigmatisation et à l’inclusion sociale de la diversité. Au fil de ses collaborations, elle a accompagné plusieurs communautés marginalisées dans leur lutte pour une plus grande justice sociale. Elle est membre du conseil d’administration de CACTUS Montréal, un site d’injection supervisé.

© Après les glaciers, Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne, 2022

PROGRAMME GRATUIT SUR VITHÉQUE – La Trilogie des Glaciers
Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne

VITHÈQUE

Gratuit



Avec La trilogie des glaciers, Vidéographe est fier de présenter pour la première fois sur Vithèque le travail des artistes Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne. Fragile MonumentAlbedo et Après les glaciers font partie d’un corpus d’oeuvres récemment acquis par Vidéographe et qu’il nous tarde de vous partager.

 

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En examinant l’évolution de zones glaciaires en Suisse, cette série de trois courts-métrages porte une attention aux rapports complexes que nous entretenons avec les milieux naturels. Elle soulève une réflexion sur des perspectives d’écologies futures, où se conjuguent des états d’hybridité, de vulnérabilité et du sublime.

Point d’arrimage de cette trilogie, le glacier du Rhône, qui culmine à 3600 mètres d’altitude, est devenu depuis la fin du XIXe siècle un objet d’étude scientifique et un important site d’affluence touristique des Alpes suisses. Indice éloquent d’une disparition anticipée, une partie de la zone d’ablation du glacier, sujette à la fonte, est recouverte de mosaïques géotextiles afin de le protéger des radiations solaires. Si ces couvertures réfléchissantes peuvent contribuer à diminuer l’accélération du retrait glaciaire, cette pratique demeure toutefois contestée par le milieu scientifique. Évocateur d’un décor énigmatique, de linceuls ou de refuges temporaires, le déploiement de ces bâches représente une tentative de contrôle anthropique sur le paysage dans un contexte de bouleversements climatiques. Dans un travail immersif de l’image et du son, Fragile Monument explore les échelles de temporalité propres au glacier, à l’eau, à l’environnement minéral et leur entremêlement avec des rythmes humains.

Albédo offre une incursion visuelle dans le travail de terrain de chercheurs en glaciologie de l’ETH à Zurich sur le glacier du Rhône. Ils y déploient des outils techniques afin de produire des relevés dans le cadre d’activités de surveillance du glacier, dont les fissurations et les signes d’affaissement sont tangibles. Ces images s’accompagnent d’une explication scientifique de l’effet albédo : la capacité de réflexion du rayonnement solaire par une surface, pour lequel un indice élevé (associé à des surfaces enneigées) protège la glace de la fonte. Les boucles de rétroaction initiées par les changements climatiques chamboulent dorénavant l’équilibre précaire des glaciers, leur épiderme étant fortement sensible à celles-ci. Observé, étudié et drapé, le glacier du Rhône est présenté comme un hyper-objet climatique, un « quasi-artéfact dont l’aura sublime se rapporte dorénavant au vertige de sa disparition1 ».

Le dernier chapitre de la trilogie, Après les glaciers, présente le point de vue du chercheur scientifique et glaciologue Jean-Baptiste Bosson, qui milite pour la protection des glaciers et des marges glaciaires depuis une perspective écosystémique, dégagée d’un point de vue anthropocentrique. Dans ce film, le regard s’étend à différentes zones alpines en Suisse exposées au retrait glaciaire. À travers ce phénomène, des milieux intouchés émergent sous la glace, suscitant une réflexion sur leur protection comme des havres potentiels de biodiversité. Sur fond de plans macroscopiques de bulles d’air emprisonnées dans la glace, sortes d’archives vivantes donnant à sentir le temps profond du glacier, Bosson affirme que les glaciers constituent des objets sensibles qui nous permettent de mieux saisir l’histoire du climat.

Cette trilogie a été réalisée lors d’un séjour au Programme principal de résidence de La Becque (Suisse) en 2021-2022, avec le généreux soutien du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec. Elle s’inscrit au sein d’un corpus évolutif intitulé La Montagne radieuse, présenté sous forme d’exposition, de photographies et de vidéos, qui explore les imaginaires et interprétations plurielles de la montagne, entre transformations du paysage, manifestations technologiques et vertus thérapeutiques reliées au legs de la modernité en milieu alpin.

« Au-delà de sa prestance monolithique, la montagne se révèle être un objet complexe, dont la portée irradie sur plusieurs plans. Structuré en chapitres interreliés, La Montagne radieuse […] procède par étoilement pour explorer la myriade de facettes anthropiques par lesquelles nous entrons en relation avec la montagne. S’y enchevêtrent la nature, les technologies, l’architecture, l’histoire, l’hydrologie, la géomorphologie, la santé, la spiritualité et le bien-être dans une hétérochronie mêlant des échelles de temps humain, glaciologique et géologique2. »

 

– Comprend des extraits (1 et 2) de l’essai de Gentiane Bélanger, commissaire de l’exposition La Montagne radieuse, Galerie d’art Foreman de l’Université Bishop’s, 2022