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Vidéographe et le GIV à La Havane

Projection

31 octobre au 8 décembre 2019
La Havane, Cuba

Gratuit



Commissaire : Nelson Henricks

Artistes : Gwenaël Bélanger, Michel de Broin, Nathalie Bujold, Kimura Byol/Nathalie Lemoine, Rachel Echenberg, Nik Forrest, Kim Kielhofner, Moridja Kitenge Banza, Manon Labrecque, Sylvie Laliberté, Frédéric Lavoie, Jenny Lin, Caroline Monnet, Nadia Myre, Diane Obomsawin, Yudi Sewraj, Cathy Sisler, Skawennati et Karen Trask.

Dans le cadre de Montréal ~ Habana : Rencontres en art actuel / Encuentros de arte contemporáneo, Vidéographe et le Groupe Intervention Vidéo (GIV) sont ravis de présenter le programme La Chute à La Havane. Ce programme qui met en valeur des œuvres d’artistes montréalais.e.s sera lancé à la Arte Continnua et diffusé ensuite au Centro de Desarrollo de las Artes Visuales.

Télécharger le programme

« J’ai sélectionné des vidéos très brèves qui se servent de la performance comme point de départ. Le langage et les doubles réalités sont aussi devenus des composantes importantes. Montréal est une ville bilingue, mais on y parle également d’autres langues et j’ai voulu refléter cette diversité.

Je me suis aussi intéressé à la chute : les objets ou les personnes qui tombent, ou la chute comme état d’esprit. Il y a également d’autres thèmes, mais je vais laisser le spectateur les découvrir. Les thèmes vont et viennent, comme des refrains ou des mélodies. C’est la même chose pour la chute. Lorsque nous tombons, nous devons nous relever, même s’il se peut que nous tombions à nouveau. »

– Nelson Henricks, conservateur

 

Montréal ~ Habana est un événement d’art actuel composé de diverses expositions, résidences d’artiste, projections vidéo, évènements théoriques et de rencontre avec les artistes et commissaires participant.es. Ce projet, qui se déroule tout au long de cette année, est divisé en 3 étapes : deux premières, qui ont eu lieu à Montréal, pendant le printemps et l’automne; et une troisième, à La Havane, du 31 novembre au 8 décembre, dans le cadre des activités du 500e anniversaire de cette ville caribéenne.

Le tout est né d’un partenariat entre huit centres d’artistes montréalais (Centre CLARK, DARE-DARE, Galerie B312, Groupe Intervention Vidéo, La Centrale Powerhouse, OBORO, perte de signal et Vidéographe) qui se sont associés pour concevoir et développer un projet d’envergure ayant comme but d’approfondir les relations avec Cuba et de faire dialoguer les pratiques artistiques de ces deux pays. Ce projet est possible grâce à la collaboration de nos partenaires cubains Artista X Artista, Avecez Art Space, Centro de Desarrollo de las Artes Visuales et Arte Continua, ainsi qu’au soutien du Conseil des arts du Canada, du Conseil des arts et des lettres du Québec et du Conseil des arts de Montréal.

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Caer (Tomber)

– un texte du commissaire Nelson Henricks

Un tunnel relie Vedado à Miramar, là où la promenade du Malecón devient la 5ta. Avenida. Tous les jours, je traversais ce tunnel pour me rendre de ma maison au Parque Wilfredo Lam. J’avais déjà traversé le tunnel cinq ou six fois lorsque j’ai remarqué qu’il se passait quelque chose. Comment peut-on être conscient d’une perte de conscience? Je ne sais pas exactement quand j’ai remarqué pour la première fois la perte de sensation, l’impression d’être transporté, d’être ailleurs. Je me souvenais être entré dans le tunnel et en être sorti, mais quelque chose se produisait entre les deux qui me donnait l’impression de disparaître. J’étais conscient d’avoir perdu un laps de temps.

Lorsque j’ai eu cette prise de conscience, que j’ai remarqué cet angle mort au milieu du tunnel, j’y ai tourné mon attention. J’essayais de rester présent et de garder mon corps et mon esprit unis, mais je n’y arrivais jamais. C’était toujours la même chose qui se produisait : j’avais une perte de conscience et j’émergeais ensuite ébloui par la lumière du soleil, incapable de me souvenir de ce qui était arrivé. J’étais néanmoins convaincu de trois choses.

Premièrement, je rencontrais une autre version de moi-même dans le tunnel. Celle-ci avait une existence distincte de la mienne. Elle avait des souvenirs et une vie dont les détails m’étaient inconnus. Je ne pouvais pas dire par exemple comment cette version était semblable ou différente par rapport à moi, si elle parlait espagnol, anglais, français ou une autre langue, si elle avait un travail ou non, mais je sentais qu’elle était identique à moi physiquement, mis à part quelques cicatrices ou quelques livres de plus ou de moins. Elle avait été touchée par la vie autrement, par d’autres goûts, d’autres passions, d’autres préférences, mais fondamentalement, nous étions pareils.

Deuxièmement, j’entrais en contact avec cet autre esprit durant ces périodes de perte de conscience. Nous pouvions nous voir, comme le conducteur d’une voiture qui regarde le conducteur dans la voiture d’à côté, celui-ci le regardant en retour. Mais nous ne pouvions pas nous parler. J’avais l’impression d’un chevauchement, d’assister à la superposition de deux esprits, mais chacun d’entre nous demeurait muet.

Troisièmement, il y avait des images. Dans ces courts moments au milieu du tunnel, avant ou après ma perte de conscience, alors que je tentais de garder mon corps et mon esprit unis, j’avais des visions. Celles-ci incluaient :

  • un bras sortant du mur ou un trou en forme de bras apparaissant dans le mur;
  • une chaise en équilibre sur la cime d’un arbre;
  • un chien debout sur un miroir à plat sur le sol.

J’étais aussi convaincu que mon esprit changeait chaque fois que je traversais le tunnel. Encore une fois, je ne pouvais pas dire comment exactement. J’étais incapable de dire si j’avais gagné ou perdu des facultés. Comment savoir? Comment savoir ce que l’on a oublié? Comment savoir si cette force ou cette faiblesse n’avait pas toujours été là? Je n’avais pas l’impression de me faire du mal. Peut-être que des aspects de cet autre esprit m’étaient transférés au beau milieu du tunnel. Nous échangions des parties de nous-mêmes, des attributs, des souvenirs, des compétences. Je devenais lentement cette autre version et elle devenait moi. Bien sûr, c’était impossible pour moi de savoir ce que j’avais perdu et c’est même impossible de savoir dans quelle mesure c’est cette autre version qui écrit ces mots. Peut-être que nous avons déjà changé de place. Peut-être que je suis déjà de l’autre côté. Peut-être que l’autre est ici.

 

 

 

© Après les glaciers, Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne, 2022

PROGRAMME GRATUIT SUR VITHÉQUE – La Trilogie des Glaciers
Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne

VITHÈQUE

Gratuit



Avec La trilogie des glaciers, Vidéographe est fier de présenter pour la première fois sur Vithèque le travail des artistes Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne. Fragile MonumentAlbedo et Après les glaciers font partie d’un corpus d’oeuvres récemment acquis par Vidéographe et qu’il nous tarde de vous partager.

 

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En examinant l’évolution de zones glaciaires en Suisse, cette série de trois courts-métrages porte une attention aux rapports complexes que nous entretenons avec les milieux naturels. Elle soulève une réflexion sur des perspectives d’écologies futures, où se conjuguent des états d’hybridité, de vulnérabilité et du sublime.

Point d’arrimage de cette trilogie, le glacier du Rhône, qui culmine à 3600 mètres d’altitude, est devenu depuis la fin du XIXe siècle un objet d’étude scientifique et un important site d’affluence touristique des Alpes suisses. Indice éloquent d’une disparition anticipée, une partie de la zone d’ablation du glacier, sujette à la fonte, est recouverte de mosaïques géotextiles afin de le protéger des radiations solaires. Si ces couvertures réfléchissantes peuvent contribuer à diminuer l’accélération du retrait glaciaire, cette pratique demeure toutefois contestée par le milieu scientifique. Évocateur d’un décor énigmatique, de linceuls ou de refuges temporaires, le déploiement de ces bâches représente une tentative de contrôle anthropique sur le paysage dans un contexte de bouleversements climatiques. Dans un travail immersif de l’image et du son, Fragile Monument explore les échelles de temporalité propres au glacier, à l’eau, à l’environnement minéral et leur entremêlement avec des rythmes humains.

Albédo offre une incursion visuelle dans le travail de terrain de chercheurs en glaciologie de l’ETH à Zurich sur le glacier du Rhône. Ils y déploient des outils techniques afin de produire des relevés dans le cadre d’activités de surveillance du glacier, dont les fissurations et les signes d’affaissement sont tangibles. Ces images s’accompagnent d’une explication scientifique de l’effet albédo : la capacité de réflexion du rayonnement solaire par une surface, pour lequel un indice élevé (associé à des surfaces enneigées) protège la glace de la fonte. Les boucles de rétroaction initiées par les changements climatiques chamboulent dorénavant l’équilibre précaire des glaciers, leur épiderme étant fortement sensible à celles-ci. Observé, étudié et drapé, le glacier du Rhône est présenté comme un hyper-objet climatique, un « quasi-artéfact dont l’aura sublime se rapporte dorénavant au vertige de sa disparition1 ».

Le dernier chapitre de la trilogie, Après les glaciers, présente le point de vue du chercheur scientifique et glaciologue Jean-Baptiste Bosson, qui milite pour la protection des glaciers et des marges glaciaires depuis une perspective écosystémique, dégagée d’un point de vue anthropocentrique. Dans ce film, le regard s’étend à différentes zones alpines en Suisse exposées au retrait glaciaire. À travers ce phénomène, des milieux intouchés émergent sous la glace, suscitant une réflexion sur leur protection comme des havres potentiels de biodiversité. Sur fond de plans macroscopiques de bulles d’air emprisonnées dans la glace, sortes d’archives vivantes donnant à sentir le temps profond du glacier, Bosson affirme que les glaciers constituent des objets sensibles qui nous permettent de mieux saisir l’histoire du climat.

Cette trilogie a été réalisée lors d’un séjour au Programme principal de résidence de La Becque (Suisse) en 2021-2022, avec le généreux soutien du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec. Elle s’inscrit au sein d’un corpus évolutif intitulé La Montagne radieuse, présenté sous forme d’exposition, de photographies et de vidéos, qui explore les imaginaires et interprétations plurielles de la montagne, entre transformations du paysage, manifestations technologiques et vertus thérapeutiques reliées au legs de la modernité en milieu alpin.

« Au-delà de sa prestance monolithique, la montagne se révèle être un objet complexe, dont la portée irradie sur plusieurs plans. Structuré en chapitres interreliés, La Montagne radieuse […] procède par étoilement pour explorer la myriade de facettes anthropiques par lesquelles nous entrons en relation avec la montagne. S’y enchevêtrent la nature, les technologies, l’architecture, l’histoire, l’hydrologie, la géomorphologie, la santé, la spiritualité et le bien-être dans une hétérochronie mêlant des échelles de temps humain, glaciologique et géologique2. »

 

– Comprend des extraits (1 et 2) de l’essai de Gentiane Bélanger, commissaire de l’exposition La Montagne radieuse, Galerie d’art Foreman de l’Université Bishop’s, 2022