Lettre x représentant une icône de fermeture

© Suzan Vachon, Unknown Skies, Composition intégrant une capture d’écran de L’État du monde, Groupe Épopée, 2019

Suzan Vachon
Questions adressées au Sphinx, nébuleuses en conversation

Résidence de recherches commissariales

2019-2021



Cette résidence commissariale porte sur une perception du visible appréhendée telle un mystère, un vertige temporel, une pulsion de désir devenue moteur de création. C’est de cet étonnement comme mouvement que naissent des œuvres-énigmes comme autant de nébuleuses que je me propose d’explorer. Sphinx vidéographiques dont la richesse des liens électifs et irrationnels qu’ils activent ouvrent une conversation polyglotte entre différentes disciplines, « merveilleuses agglomérations d’étoiles » formant d’étonnantes figures s’éclairant mutuellement, mais aussi témoins obscurs du tremblement de notre temps.

Je perçois la collection de Vidéographe telle une allée de Sphinx recelant énigmes, secrets et oublis. Questionner, arpenter, tracer une « trajectoire céleste » : prendre le relai d’une réflexion que j’engage depuis plus de vingt-cinq ans autour de la création de l’image en mouvement, des attractions transdisciplinaires qui la nourrissent et auxquelles elle donne écho.

La résidence prendra la forme d’une « archive vivante », d’errances documentées. Elle sera alimentée de regards obliques et transversaux invitant d’autres œuvres, d’autres disciplines : engagement actif se déployant autour d’énoncés comme autant de questions ouvertes, de concepts fictionnels ou poétiques, proposant des rencontres transdisciplinaires :  « nébuleuses en conversation »

Projet se déclinant à la limite de l’œuvre et de la recherche commissariale, il témoignera d’un état du monde éclatant sur tous les horizons, habité par une pensée du tremblement qui unit dans l’absolue diversité en un tourbillon de rencontres (E .Glissant).

-Suzan Vachon

 

Suzan Vachon, quelques repères

Les  recherches  plastiques   de  Suzan Vachon,  imprégnées  d’une  dimension  intensément  poétique,  questionnent  les rapports  relatifs   du  visuel  et  du  verbal,  de  l’image  et  du littéraire,   sans oublier  le  silence   de la perception du sensible et du regard méditatif.

L’assemblage ou la réunion métonymique des images et du texte verbalisé crée une vision fragmentée, segmentée dans une mise en espace hors de toutes perspectives appréhendées.

Yvan  Moreau,  ► https://www.erudit.org/en/journals/etc/2001-n53-etc1118705/35653ac/

 

Artiste interdisciplinaire, enseignante, conférencière et commissaire, les recherches polyphoniques de Suzan Vachon s’intéressent à la voix de l’Autre ainsi qu’aux métamorphoses de la forme et du sens dans un travail d’écriture de l’image fixe et en mouvement. Nourries par la recherche documentaire, son laboratoire se concentre sur la dimension haptique de l’image, du texte et du son et s’inscrit dans un continuum de travail invitant parmi d’autres, l’archive, la littérature, le cinéma et l’imaginaire des langues.

Son travail interdisciplinaire a fait l’objet de plusieurs commandes, dont treize œuvres d’art public. Notamment, un dispositif lumineux et vidéographique permanent au Théâtre Prospero, Montréal. Parallèlement à ces projets, elle revendique aussi une recherche à l’échelle du corps et de l’intime, où la fragilité et l’éphémère peuvent reprendre leurs droits.

Candidate sélectionnée pour le projet Domaine public de Saw Video, en collaboration avec Bibliothèques et Archives Canada et soutenue par le Conseil des arts du Canada, le projet Domaine public a fait l’objet d’une tournée en Amérique du Nord et en Europe en 2011-2012. Elle  était membre en 2013 de la délégation québécoise  accompagnant  le Conseil  québécois  des  arts médiatiques pour les 50 ans d’art vidéo, aux Instants Vidéo de Marseille. Puis, en résidence au Centre Sagamie, elle y entreprenait une recherche d’images imprimées s’appuyant sur des archives filmiques de la Croix-Rouge et de la British Pathé News.

Récipiendaire  de  la bourse de recherche perfectionnement longue durée 2017-2018 de l’UQAM,  elle poursuit ses recherches sur le potentiel de fabulation issu de la rencontre de l’image, des mots et du son. Candidate sélectionnée, elle réalisera en 2019-2020 une résidence commisariale transdisciplinaire à Vidéographe.

Ses œuvres vidéographiques et son travail interdisciplinaire ont été diffusés au Canada, aux États‐Unis, en Amérique du Sud, en Palestine et dans plusieurs pays d’Europe.

 

 

 

 

 

 

© Après les glaciers, Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne, 2022

PROGRAMME GRATUIT SUR VITHÉQUE – La Trilogie des Glaciers
Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne

VITHÈQUE

Gratuit



Avec La trilogie des glaciers, Vidéographe est fier de présenter pour la première fois sur Vithèque le travail des artistes Virginie Laganière et Jean-Maxime Dufresne. Fragile MonumentAlbedo et Après les glaciers font partie d’un corpus d’oeuvres récemment acquis par Vidéographe et qu’il nous tarde de vous partager.

 

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En examinant l’évolution de zones glaciaires en Suisse, cette série de trois courts-métrages porte une attention aux rapports complexes que nous entretenons avec les milieux naturels. Elle soulève une réflexion sur des perspectives d’écologies futures, où se conjuguent des états d’hybridité, de vulnérabilité et du sublime.

Point d’arrimage de cette trilogie, le glacier du Rhône, qui culmine à 3600 mètres d’altitude, est devenu depuis la fin du XIXe siècle un objet d’étude scientifique et un important site d’affluence touristique des Alpes suisses. Indice éloquent d’une disparition anticipée, une partie de la zone d’ablation du glacier, sujette à la fonte, est recouverte de mosaïques géotextiles afin de le protéger des radiations solaires. Si ces couvertures réfléchissantes peuvent contribuer à diminuer l’accélération du retrait glaciaire, cette pratique demeure toutefois contestée par le milieu scientifique. Évocateur d’un décor énigmatique, de linceuls ou de refuges temporaires, le déploiement de ces bâches représente une tentative de contrôle anthropique sur le paysage dans un contexte de bouleversements climatiques. Dans un travail immersif de l’image et du son, Fragile Monument explore les échelles de temporalité propres au glacier, à l’eau, à l’environnement minéral et leur entremêlement avec des rythmes humains.

Albédo offre une incursion visuelle dans le travail de terrain de chercheurs en glaciologie de l’ETH à Zurich sur le glacier du Rhône. Ils y déploient des outils techniques afin de produire des relevés dans le cadre d’activités de surveillance du glacier, dont les fissurations et les signes d’affaissement sont tangibles. Ces images s’accompagnent d’une explication scientifique de l’effet albédo : la capacité de réflexion du rayonnement solaire par une surface, pour lequel un indice élevé (associé à des surfaces enneigées) protège la glace de la fonte. Les boucles de rétroaction initiées par les changements climatiques chamboulent dorénavant l’équilibre précaire des glaciers, leur épiderme étant fortement sensible à celles-ci. Observé, étudié et drapé, le glacier du Rhône est présenté comme un hyper-objet climatique, un « quasi-artéfact dont l’aura sublime se rapporte dorénavant au vertige de sa disparition1 ».

Le dernier chapitre de la trilogie, Après les glaciers, présente le point de vue du chercheur scientifique et glaciologue Jean-Baptiste Bosson, qui milite pour la protection des glaciers et des marges glaciaires depuis une perspective écosystémique, dégagée d’un point de vue anthropocentrique. Dans ce film, le regard s’étend à différentes zones alpines en Suisse exposées au retrait glaciaire. À travers ce phénomène, des milieux intouchés émergent sous la glace, suscitant une réflexion sur leur protection comme des havres potentiels de biodiversité. Sur fond de plans macroscopiques de bulles d’air emprisonnées dans la glace, sortes d’archives vivantes donnant à sentir le temps profond du glacier, Bosson affirme que les glaciers constituent des objets sensibles qui nous permettent de mieux saisir l’histoire du climat.

Cette trilogie a été réalisée lors d’un séjour au Programme principal de résidence de La Becque (Suisse) en 2021-2022, avec le généreux soutien du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec. Elle s’inscrit au sein d’un corpus évolutif intitulé La Montagne radieuse, présenté sous forme d’exposition, de photographies et de vidéos, qui explore les imaginaires et interprétations plurielles de la montagne, entre transformations du paysage, manifestations technologiques et vertus thérapeutiques reliées au legs de la modernité en milieu alpin.

« Au-delà de sa prestance monolithique, la montagne se révèle être un objet complexe, dont la portée irradie sur plusieurs plans. Structuré en chapitres interreliés, La Montagne radieuse […] procède par étoilement pour explorer la myriade de facettes anthropiques par lesquelles nous entrons en relation avec la montagne. S’y enchevêtrent la nature, les technologies, l’architecture, l’histoire, l’hydrologie, la géomorphologie, la santé, la spiritualité et le bien-être dans une hétérochronie mêlant des échelles de temps humain, glaciologique et géologique2. »

 

– Comprend des extraits (1 et 2) de l’essai de Gentiane Bélanger, commissaire de l’exposition La Montagne radieuse, Galerie d’art Foreman de l’Université Bishop’s, 2022